17/01/2023
Ah, si seulement ils portaient un nom plus facile, les myxomycètes occuperaient sans doute la même place de choix que les champignons… avec lesquels on les confond souvent. Une qui ne risque pas de les confondre, c’est Anne-Marie Rantet-Poux.
Membre du groupe mycologie de la Société de sciences naturelles de Tarn-et-Garonne, la pharmacienne de Caussade est devenue une spécialiste reconnue des myxomycètes… qu’elle a rebaptisés « blobs-trotteurs » dans le 5e ouvrage, paru en début d’année 2022, consacré à ses petits protégés (1).
Ce « monde fascinant », elle l’a découvert pour la première fois en 2015, sur un tas de bois… au fond de son jardin à Monteils.
Myxomycète vient du grec ancien « muxa », qui veut dire visqueux, glaireux, morveux et de « mykès », champignon. Un champignon morveux ? Sauf que le « myxo », diminutif opportunément choisi par Anne-Marie, n’est pas un champignon… « même si jusqu’au siècle dernier on disait que c’était un champignon qui bougeait ».
Il bouge, il mange et pour se reproduire, il se métamorphose en de petites fructifications qui ressemblent à des champignons contenant des spores
« Ce n’est pas non plus un végétal ni un animal. » Le myxomycète est un amoebozoaire (encore un nom imprononçable, décidément !), « un être vivant unicellulaire qui se comporte comme un être multicellulaire. Il bouge, il mange et pour se reproduire, il se métamorphose en de petites fructifications, appelées des myxocarpes, qui ressemblent à des champignons contenant des spores. C’est ça justement qui est fascinant et m’a donné envie de le faire connaître. »
Comme « Les envahisseurs », les myxomycètes sont partout autour de nous… et tout à fait inoffensifs. « Il en existe plus de 1 000 dans le monde entier. Il y en a beaucoup plus dans les zones tempérées que dans les zones tropicales où le climat est tellement humide que leurs spores ne peuvent pas sécher ».
Le blob, un plasmode devenu célèbre grâce au CNRS de Toulouse et à Thomas Pesquet
Le « myxo » a deux vies successives : dans sa phase mobile, on parle de plasmode ou de « blob », la phase immobile étant celle des myxocarpes. Surnom anglo-saxon (inspiré d’un film de science-fiction de 1958, « The Blob » dans lequel une substance gluante envahissait tout), le mot blob a été repris par Audrey Dussutour et son équipe du CNRS de Toulouse pour désigner le plasmode de Physarum polycephalum, un myxomycète. Grâce au spationaute Thomas Pesquet qui en a embarqué quatre à bord de l’ISS, les « blobs » sont devenus célèbres du jour au lendemain.
Anne-Marie Rantet-Poux n’élève pas de blob chez elle… elle a trop de respect pour ces êtres vivants qui existent depuis 1 milliard d’années.
Cette fille d’agriculteurs, qui a grandi en Aveyron, a toujours eu une sensibilité à la nature. Pas étonnant qu’elle ait choisi la profession de pharmacienne (« j’ai commencé comme assistante à Saint-Nicolas, non loin de Lavit-de-Lomagne où mes parents avaient acheté une exploitation avant de m’installer en 1994 à Caussade ») pour enrichir ses connaissances des plantes, de l’herboristerie, de l’homéopathie… et des champignons que les cueilleurs venaient lui porter dans son officine quand ils n’étaient pas sûrs qu’ils soient comestibles.
Moi, je ne m'occupe que des mal-aimés, comme les araignées.
À la retraite, c’est donc tout naturellement qu’Anne-Marie a rejoint le groupe « mycologie » de la Société de sciences naturelles de Tarn-et-Garonne, adhérant aussi à l’ASNAT, dans le département voisin du Tarn. De quoi élargir son horizon et, grâce aux « myxo », percer le mystère des métamorphoses.
« Moi, je ne m’occupe que des mal aimés », confie-t-elle, comme un cri du cœur adressé aux araignées, son autre passion.
« La photo me plaisait beaucoup mais j’ai bien vu que la photo d’une plante n’était pas belle tant qu’il n’y avait pas une araignée ou un insecte dessus. » Devenue spécialiste de la macro, Anne-Marie a déjà photographié 150 araignées différentes, dont 101 dans son jardin à Monteils. « Chez moi, j’ai trouvé une rareté, l’Eresus Kollari, surnommée l’araignée coccinelle. Normalement, elle vit plus au Sud. Si elle monte jusqu’ici, c’est un signe du réchauffement climatique sans doute. »
À ceux qui ont des réactions épidermiques sur les araignées, Anne-Marie Rantet-Poux explique qu’ils « ont peur de ce qu’ils ne connaissent pas, les araignées ont leur utilité dans la maison, elles sont un très bon insecticide. Alors, vous pouvez enlever la toile, mais ce n’est pas la peine de mettre l’araignée dans le tuyau de l’aspirateur. »
Ses dates clés
2 janvier 1994: elle s’installe pharmacienne
C’est la date de mon installation comme pharmacienne titulaire à Caussade.
5 mai 2011: une araignée dans l’objectif
Ma première photo de l’araignée Saitis barbipes.
27 avril 2015: une rencontre marquante
C’est le jour de ma rencontre avec Marianne Meyer, la spécialiste mondiale des Myxomycètes.
29 août 1983 et 9 juin 1985: la naissance de ses filles
Ce sont les dates de naissance de mes deux filles. Le bonheur était là; il est toujours là.